Un récent article de l’écrivain et publiciste parisien Léon Camus, sur le site géopolintel, cite, avec référence précise à la célèbre biographie donnée par Jacques Benoist - Méchin, "Mustapha Kémal, ou la mort d’un Empire", 1954, chez Albin Michel, le propos méprisant du fondateur de la république turque, né en 1881 à Salonique et mort d’une cirrhose du foie en 1938, sur la « religion du désert » et « le bédouin » qui l’introduisit – sans citer même de nom du vénéré Prophète : et cette présentation kémaliste caricaturale de l’Islam, bien plus grave qu’un film ou que l’éclaboussure dessinée qui continue son chemin en Europe en gagnant l’Espagne redevenue partiellement athée ou libre-penseur, et anarchiste, comme au temps de la république rouge, par extraordinaire n’émeut personne ! Que la Turquie soit aujourd’hui majoritairement musulmane, autant qu’elle l’a été, est une évidence : mais ceci ne fait que mettre en relief le malin génie qui empêche tout un chacun de constater qu’un ennemi de la foi musulmane a été honoré et l’est dans ses portraits diffusés partout, sous un gouvernement qui prétend au néottomanisme !
Parmi les raisons invoquées est le nationalisme turc. Le lien du dit Mustapha Kemal avec la reconquête patriotique d’un territoire anatolien, sans parler des îles de la mer Egée, alors tombé, par la faveur anglaise, aux mains des Grecs et de contingents franco-italiens, et précédemment avec la bataille héroïque et victorieuse des Dardanelles ou plus antérieurement encore la campagne de Libye contre l’invasion italienne de 1912, fait effacer son refus malencontreux et tragique d’accepter l’offensive allemande proposée contre le canal de Suez qui eût fermé l’accès à la Palestine !
Il importe néanmoins de se pencher sur le paradoxe actuel d’un gouvernement turc allié à ses adversaires traditionnels wahhabites, pour assassiner une Syrie moderne ! Peut-on raisonnablement y voir une contradiction ou, ce qui est le plus naturel, une continuité ? Car, en effet, un Etat aussi puissant ne change par légèreté, mais en raison de puissants intérêts ; lesquels suivent une voie droite, car ils sont invariables.
Ne revenons pas sur les terribles massacres de religieux et de fidèles en Turquie des années 30, qui font penser aux phénomènes des Sans-Dieu en Russie soviétique, à l’anticléricalisme par fusillade, à ce que la France a connu sous sa Révolution : l’Imam Khomeiny, d’heureuse mémoire, y fait allusion dans sa correspondance, et il rappelle avoir vu, le long des murs d’une mosquée, les sépultures de ceux qui étaient tombés pour la défense de l’Islam ! Ailleurs, il y eut une déstalinisation, puis, en Russie, le traitement religieux, sous le ministère de M. Poutine, de la dépouille du Souverain sauvagement assassiné pour sa qualité aussi de chef de l’Eglise russe. Ce tyrannicide prétendu dissimulait un sacrilège, et, au contraire, entraîna une aggravation de l’ancien despotisme des Tsars. C’est Belzebuth ennemi de Satan !
Nous ne pouvons juger du comportement turc qui est l’affaire de l’Islam turc ; mais tant que l’on tiendra la différence entre la conscience absolue, à savoir la révélation de la vérité et de la justice en nous par Dieu, et la conscience relative, qui est notre participation réelle à cette même vérité et justice, - cette conscience là devra s’interroger sur le rapport réel de l’Etat turc néo - ou post kémaliste à son fondateur agnostique, c’est-à-dire à ses bases.
Les questions à poser sont : la géopolitique turque a-t-elle un projet commun avec les autres Etats musulmans ou se considère-t-elle non engagée par la foi de la majorité de ses habitants, à l’instar de quelques Etats d’Occident, dont la France républicainement négligeant la foi chrétienne ? La Turquie « kémalise »-t-elle hors de ses frontières, en ne tenant compte que d’intérêts privés et non de la sphère d’intérêt commune à tous les Etats musulmans ? La troisième question est plus pressante et est posée par la plupart : l’inconditionnalité de la Turquie à vouloir entrer dans l’Union Européenne a-t-elle pour corollaire une soumission intégrale à ce que lui dictent l’OTAN et donc les Etats-Unis ? Ce faisant la politique turque, peinte aux couleurs de Mustapha Kémal, n’agit-elle pas, comme le « grand homme », contre sa conscience musulmane ? Ce qui se nomme « mauvaise foi, ou manque de conscience », en théologie morale, et nous porte à conclure que le « kémalisme » a été une conscience invinciblement erronée aux effets pervers durables !