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Etat ou problème palestinien ?

lundi 3 octobre 2011, par Pierre Dortiguier

L’attitude des autorités iraniennes refusant la présentation de cet Etat palestinien mérite d’abord la considération envers une sagesse politique fondée sur la prudence et cette connaissance des faits qui autorise seule de parler de justice distributive ; puis elle soulève la question de fond : comment parler d’Etat sans avoir d’abord une intégrité du peuple que celui-ci prétend protéger. Nous aimons à citer cette formule antique qu’une république sans peuple était une illusion satanique. Le propos est de saint Augustin qui a permis à l’Occident de légiférer selon un ordre durable, alors que les décisions contemporaines précipitées, et qui sont souvent des effets de tribune, n’accélèrent que la ruine des intérêts de leurs auteurs.

Tout d’abord l’idée de présenter la candidature d’un Etat palestinien n’est pas une nouveauté, contrairement à ce que les médiats veulent laisser accroire. La revendication en a été faite sous plusieurs drapeaux aux couleurs révolutionnaires, comme le Front de Libération de la Palestine (F.P.L.P.) du médecin et propriétaire d’une clinique d’Amman George Habache et l’O.L.P. de Shukeiry puis de l’ancien frère musulman, comme on l’a assuré, Yasser Arafat, et en opposant un Etat palestinien au reste des Etats arabes jugés réactionnaires, donc en liant, sinon en subordonnant l’indépendance politique à quelque incertaine révolution sociale, et en doublant le combat contre la spoliation et l’occupation sioniste avec celui contre les « traîtres » à la cause palestinienne. Mais d’un autre côté les efforts sionistes de susciter un mouvement autonome palestinien réfractaire à l’unité arabe ont été relevés à la fin des années soixante par certain poète chrétien et communiste qui venait d’être expulsé par « l’Etat d’Israël » pour sa fidélité à l’autorité de la Jordanie, expulsion signalée du reste au Conseil de sécurité, document S/8311, lettre du 22 décembre 1967, en même temps que celle de l’avocat Ibrahim Bakr : « Avant tout, nous sommes opposés à une entité palestinienne. » Et d’expliquer qu’ « actuellement ce sont les Juifs qui veulent une entité palestinienne. C’est pour cela qu’ils cherchent des coopérateurs, mais ils n’en ont pas trouvé. Les écoles, les administrations, les tribunaux ont résisté sur toute la ligne. La résistance est devenue très forte. Tout le monde a refusé de coopérer ». Il convient de citer des autorités locales, des personnalités réelles, non des ambitieux en quête d’honneurs internationaux ou d’une place, quitte à être en partie fictive, telle celle proposée par le Président français, le Napoléon de Libye, nous livrant son idée de Palestine potentielle qui ne deviendrait réelle certainement que si elle acceptait d’être un bocal rangé sur une étagère de pharmacie sioniste ! Ecoutons cette voix arabe citée par le quotidien parisien du soir, le Monde du 7 février 1968, interrogée sans sympathie par la correspondante Isabelle Vichniac née dans un Odessa sioniste et décédée en 2007 : celle de Jala Hareb, directeur de l’hôtel Mont-Scopus à Al Qods, ancien maire de Ramallah : « Nous voulons rester Arabes malgré tout. Quant à l’Etat palestinien indépendant que des Juifs et des Arabes préconisent… ce serait un Etat très pauvre, politiquement, militairement, économiquement, qui pour survivre, devrait être rattaché soit à Israël, soit à une autre puissance. Donc son indépendance serait fictive. Enfin j’ai visité les populations arabes en Israël, notamment à Haïfa, et j’ai constaté que leur niveau de vie était inférieur à celui des populations juives de cette même ville. Si nous acceptions de nous couper du monde arabe, en admettant un Etat palestinien « indépendant », qu’est-ce qui nous prouvera que, sur le plan économique en tout cas, la même différence ne subsistera pas entre les Juifs en nous ?  »

L’on n’examine pas suffisamment l’intérêt porté, en dépit des criailleries de façade, de la part de gens qui entendent même ruser sacrilègement avec Dieu, par l’intelligence sioniste à la constitution de pareil Etat. Ces lignes suivantes sont extraites de la revue Arche, du Fonds social juif unifié, n°132, du 25 mars 1968, pp. 23-26, sous la plume du sioniste Ben Porat, dans un article au titre éloquent, L’Etat palestinien en question : « L’idée d’un Etat palestinien est en train de regagner du terrain comme une formule susceptible de faire pencher la balance de la paix ». Et la suite mérite d’être lue et apprise par les perpétuels dupés de la politique : « Chronologiquement, c’est sans doute au général Dayan que nous devons la première esquisse d’une solution au problème palestinien, lancée par lui une semaine à peine après la fin des combats… l’établissement d’une « province » palestinienne indépendante quant à son administration civile, démilitarisée et fédérée pour son économie et sa sécurité avec l’Etat d’Israël ». Ce qui est écrit est écrit. Le loup a parlé aux agneaux.

Nous conclurons, après ce rappel historique, par une opinion encore actuelle de l’ancien gouverneur de la ville sainte de 1948 à 1949 : Abdullah Tell, dans une note manuscrite datée du 30 octobre1989 à Amman, à la question posée par A.M. Goichon et recueillie dans son livre, Jordanie réelle, tome 2, p.1318-19 : Que faut-il penser aujourd’hui d’un Etat palestinien ? Aurait-il chance de survivre ? « L’idée de créer un Etat palestinien séparé de la Jordanie ne sert pas la problème palestinien et ne peut le résoudre. La solution, à mon sens est d’avoir un Etat arabe composé de la Palestine, la Jordanie, la Syrie et l’Irak. Dans ces Etats, les Juifs auraient les mêmes droits que les Arabes. Toutefois pas les droits politiques… C’est l’unité des Arabes, seule, qui peut le résoudre. » L’Encyclopedia britannica dans l’édition de 1911, insère dans l’article Crusades un paragraphe sur la division des Arabes. Celle-ci fut cause de la victoire des Croisés, tandis que leur union sous Salah al-Dîn amena la chute du royaume franc. Tout cela est encore vrai aujourd’hui. Que la Conférence de Téhéran, en ce mois d’octobre, sur la Palestine ait cet exemple sous les yeux !

 
 
 
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